vendredi 9 décembre 2022

RAL n°138


2ème semestre 2022


Éditorial & Sommaire

N° 138 - Décembre 2022

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ÉDITORIAL


La rubrique PATRIMOINE de ce numéro est consacrée à deux études de l’œuvre de René-Nicolas Ehni, disparu en juin 2022. Charles Fichter et Jean-Paul Sorg éclairent des aspects majeurs de cette œuvre complexe, engagée et volontiers polémique. 

Notre dossier thématique aborde le thème DIVAGUER sous de multiples angles et perspectives, en veillant à alterner les langues. Comme le suggère la présentation d’Alain Fabre-Catalan, « la littérature invite à la divagation, à l’errance de l’esprit », ce que le dossier illustre.

La rubrique VOIX MULTIPLES s’ouvre à nouveau sur une présentation et traduction de deux poètes ukrainiens. Les nombreux textes qui suivent illustrent bien la diversité linguistique.

Pour commémorer le dixième anniversaire du décès d’André Weckmann, Emma Guntz et Wendelinus Wurth rendent hommage à cet auteur alsacien qui a défendu et illustré la « triphonie ».

Par ailleurs, les CHRONIQUES rendent compte de certaines publications récentes qui pourraient intéresser nos lecteurs. Les NOTES DE LECTURE viennent compléter ce numéro.

Pour accompagner ces pages, nous publions cinq photographies de Marie-Agnès Kopp, essentiellement réalisées en Alsace, en résonance avec la saison hivernale.

Nous vous souhaitons de très belles fêtes de Noël et vous présentons nos vœux les plus chaleureux pour la Nouvelle Année. 

Maryse Staiber & Marie-Thérèse Wackenheim

Le site internet dédié à la revue, créé par Alain Fabre-Catalan qui en assure l’administration, rend compte de notre actualité littéraire. Les auteurs y trouveront toutes les informations utiles pour connaître les thèmes abordés dans les prochains numéros. Le dossier thématique du numéro 139 de juin 2023 s’intitulera L’INACHEVÉ.

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SOMMAIRE


ÉDITORIAL

Marie-Agnès Kopp : La Cathédrale de Strasbourg   

PATRIMOINE

Charles Fichter : René-Nicolas Ehni : quelques scènes de la vie d’un Taugenichts

Jean-Paul Sorg : Geitscherèi ou le démon du langage


Marie-Agnès Kopp : Passerelle de l’Abreuvoir, Strasbourg

DIVAGUER

Alain-Fabre Catalan : Divagations en partage

Marie-Yvonne Munch : Les nénuphars rejoignent les deux rives

Fabrice Farre : En train

Alain Fabre-Catalan : Rives et dérives

Emma Guntz : vagari

Wendelinus Wurth : in de weltgschiicht rumtriiwe

Anne-Marie Zucchelli : nuit volante    

Max Alhau : À l’encontre du temps

Eva-Maria Berg : divaguer

Victor Saudan : Dis vague dis ta vie                   

Pierre Judide : Sublime divagation, la poésie

Sophie Weill : Dits vagues

Alix Lerman Enriquez : Divagation

Markus Manfred Jung : Wirsch alt

Sarah Kirsch : Mon invisible / Amant (traduction : Maryse Staiber)   

Karlheinz Kluge : Kleine Impression, 1970     

Marie-Jeanne Langrognet : Divagation du fleuve rouge

Françoise Urban-Menninger : Divagation sur une page blanche. La divine diva

Laurence Muller : Se réfugier dans le sauvage de la pensée

Daniel Martinez : Un air de regret

Andrea Moorhead : Ce silence au fond de toi


Marie-Agnès Kopp : Forêt du Schoeneck, Vosges du Nord

VOIX MULTIPLES

Vladimir Claude Fišera : Poésie ukrainienne après l’invasion russe de la Crimée en 2014 : Iouri Bouriak (présentation et traduction)

Vladimir Claude Fišera : Poésie de l’Ukraine sous les bombes : Anastasiia Afanas’eva (présentation et traduction)

 Jean-Claude Walter : De la colère

 Jean-Christrophe Meyer : Üssem Wort. De Gruftwaj

Gilles Marie : Promenade sur la plage

Claudia Scherer : handwerker. blue train. in wellen. Langeweil

Laurent Grison : Rimbaud / un poète inachevé

Bernadette Laval : G. est un village…

Markus Manfred Jung : dà nebel / der nebel

Martine Blanché : Romy. La gloriette disparue

Gerad Mucker-Frimmel : Heldenfriedhof. Fortgegangen

Pierre Zehnacker : Le divin. Ne renie pas. La fleur coupée. Le chagrin

Gabriel Singer Gould : Je regarde mon lit / Insomnie

Marie-Yvonne Munch : Les deux tentes sont là

Luminitza C. Tigirlas : L’absentin derrière les deux quidams

Béatrice Machet : Série de tentations

Jacques Stoll : Presqu’île André Malraux. Vulcano

Claude Vancour : Avant le jour, novembre. L’oiseau au coin des emblavures. Spotjohr. Hiver


Marie-Agnès Kopp : La Maison des Tanneurs, Strasbourg

CHRONIQUES

Alain Fabre-Catalan : Le destin d’un poète : Saint-Pol-Roux

Emma Guntz : In memoriam André Weckmann

Wendelinus Wurth : In memoriam André Weckmann

Nicolas Denisot : Retour à Lautenbach

Helmut Pillau : Jakob Sturm – ein Staatsmann aus Straßburg

Helmut Pillau : Leben im Dazwischen. Paul Mendes-Flohr, Martin Buber. Ein Leben im Dialog

Maryse Staiber : Sam Szafran, obsessions d’un peintre

 

Marie-Agnès Kopp : Saintes-Maries-de-la-Mer

NOTES DE LECTURE


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Marie-Agnès Kopp
La Cathédrale de Strasbourg



Dossier thématique

« Divaguer »



DIVAGATIONS EN PARTAGE

Divaguer, errer, chanceler, vagabonder,
on est toujours près de la chute.

Si la littérature invite à la divagation, à l'errance de l'esprit, par la soudaine mise en lumière des mots et des pensées sur le glacis des pages, elle ouvre à qui veut s’y risquer des voies nouvelles à explorer, et sans doute l’occasion de gravir la pente du langage où toute écriture puise sa ressource. Mais l’idée même de « vagabondage » paraît aux antipodes de cette liberté que nous pourrions nous octroyer, essentiellement du fait de la dimension sociale des échanges qui nécessitent le recours à des règles et à un ordre qu’il convient de respecter afin de donner sens à la réalité de ces échanges. Il n’y a en principe nulle place pour le vague, aucune latitude accordée d’emblée si l’on place la création littéraire ou artistique dans un ordre social qui définit par avance ses certitudes et ses droits. L’histoire est là pour nous rappeler combien la création a pu être contrainte par le conformisme social de chaque époque, mais qu’il importe de distinguer celles et ceux qui ont cherché à s’en écarter, à s’éloigner des sentiers tracés par la conformité de leur temps, une manière de cultiver l’improbable, en un mot de divaguer, de laisser place à l’inattendu, à une moisson qui ouvre ses portes sur l’inconnu.

Quel exemple plus frappant pourrions-nous donner de cette volonté d’aller çà et là, de transgresser les limites romanesques afin de suivre dans tous ses méandres les déambulations d’un nouvel Ulysse en la personne de Leopold Bloom ? Il s’agit là du roman de James Joyce, « Ulysse », paru dans son intégralité le 2 février 1922 à Paris, publié par la librairie Shakespeare and Company fondée par Sylvia Beach. Il y a donc cent ans paraissait une œuvre sans précédent placée sous le signe de l’errance et convoquant tous les styles, à tel point que maints lecteurs s’y sont égarés et que ce roman a connu maintes interdictions avant d’être aujourd’hui considéré comme un monument de la littérature mondiale. Il est vrai que le sens de la divagation, propre à Joyce et à cette histoire qui transpose le voyage fabuleux d’Ulysse dans l’Irlande du début du XXème siècle, n’est pas absent de dangers à vouloir s’écarter des chemins balisés et que ce vagabondage de la création n’est jamais loin de la chute, ce qui lui confère un prix inestimable.

Alain Fabre-Catalan


Marie-Agnès Kopp
La Maison des Tanneurs