mercredi 31 mai 2017

Dossier "Rêves"


Quelques extraits du numéro 126
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Denis Leypold


Jacques Goorma : Il se pourrait que je rêve


Au fond de tes yeux, quel obscur aiguiseur de couteaux, quel rêveur et de quel ciel, affûte l'âme et fait jaillir tant d'étincelles ?
Le monde peint son rêve sur du vide.
Nos rêves nous précèdent comme un phare. Nous les suivons dans l’ombre.
De la farine du sommeil est fait le pain du jour.
Chaque mot rêve d’un poème.
Le poème sonne comme un réveil au milieu d’un rêve.
Le rêve finit toujours par trouver un rêveur qui veuille bien le rêver.
Les rêves disparaissent sans se faner.


Maryser Staiber : Traumrad


Wir wollen
Traumrad fahren
in die Sonne
wo der Feuerkern
die Herzen verschmelzt

Einander lieben
himmelleicht
auf fliegendem Teppich
wenn der Wind
mit den Wolken sich streitet

Und baden
in der brandenden
Flut der Sonne
wenn das Licht
mit dem Schatten der Windrose spielt

Vergiss nicht
komm nicht zu spät


Kza Han : Papillon d’obsidienne


Cette nuit du solstice d’été
nuit en protention
tu étais là
dans la chambre d’écho
transmué en nœud quadratique
coagulé de sève
sur la porte de sapin.

Tel astre en éclipse
brusquement réapparu,
ton ombre éclipsée
dans le lampion hexaédrique
suspendu au plafond lambrissé,
tu frôlas éperdument
les six parois
sans te brûler
au filament incandescent,
sans qu’aucun ultrason
ne transperce
mes cavités tympaniques ?


Pierre Zehnacker : L'obscure chanson du rêve    


Encore un mot et la chair se souvient
ces bruits ces eaux lentes
ces promesses familières
comme une nuée d’ombres distraites
et nos mensonges essaimant
tels des songes nocturnes –

Fragiles fleurs des ténèbres
vous nous espériez –
La nuit respire
dans les profondeurs du langage
remonte vers la lumière
pour y ravauder ses filets –
traces pièges syllabes
où se remémore la mer
sa mortelle impatience –

Et ce qui fermente
dans l’obscure chanson du rêve
intime fraîcheur de l’esprit
soubresauts de l’âme inquiète –
les yeux aussi s’ouvrent
et voient le désarroi de tant de corps
jetés dans l’espérance de durer –
Là, dans l’ivresse, si simple,
mais amère, de désirer.


Nathalie Riera : enfance


valériane enfance à feuilles diverses
c’était le calme des fragrances d’orange
les yeux toujours vers le nectar des
abeilles
& des feuilles sur la table rivée vers
le blanc de la page où rien à raconter
seulement dans un coin de ta tête
des essaims de phrases qui butinaient la
mélisse
enfance pour que reste toujours entre
vert et doré
tes feuilles de l’insouciance
& que tu meurs de tes feuilles blanches
quartiers de limes moins acides que le
citron
tu bois les mots les plus doux
nous raconter entre la pulpe et l’écorce
l’aube à épine ta jeunesse
que la foudre ne peut atteindre
de sa branche la plus épointée

mélisse enfance