Quoi qu'on en dise, c'est au visage qu'il faut regarder les hommes, mais il ne faut pas prendre leur masque pour leur visage.
Joseph Joubert
Le mot masque est entré dans notre langue au début du XVI ème siècle. Il nous vient de l'Italie, dont l'influence sur notre pays était alors prépondérante. Mais en tout temps, en tout lieu, sa pratique est aussi diverse qu'universelle.
Le mot émane d'un radical préroman (maska, noir) d'origine inconnue qui désigne d'abord, en latin médiéval, la noirceur associée à la sorcellerie et à la démonologie : songeons aux « messes noires » ou encore au nom provençal mascoto (envoûtement, sacrilège) à l'origine de nos mascottes maintenant devenues bénéfiques.
Dans les langues ibéro-romanes, mascara signifiait tache noire, salissure. De là les mascarades : les plus anciens déguisements consistaient à se noircir le visage et le corps.
Toujours aussi et partout, le théâtre, cérémonie religieuse à l'origine, est inséparable du masque. Dans l'antiquité gréco-romaine, au Japon ou en Afrique Noire, leur masque permet aux comédiens et danseurs de ne montrer que ce qu'ils représentent : qui ou quoi que ce soit, sauf eux-mêmes. Et sur scène, même sans le masque, nos acteurs doivent ne donner à voir que le personnage qu'ils incarnent.
Dans l'architecture renaissante et baroque, les mascarons sont ces têtes en ronde-bosse, fantastiques ou grotesques, qui décorent encore les façades néo-classiques de notre Neustadt. Ici, loin d'être dissimulé, le visage est devenu l'objet même de la représentation. Plus encore, les masques mortuaires sont directement moulés sur le corps des défunts pour perpétuer, à l'instar des momies égyptiennes, la mémoire de leurs traits.
Apparaît dès lors toute l'ambivalence du masque : à la fois il voile et révèle. Tout l'art du marivaudage consiste dans cet alliage de fausses confidences et d'aveux insinués. Impossible de dire vrai sans inventer et d'imaginer sans se déclarer. Toujours l'autobiographe romance et le romancier se confesse. Sartre n'a écrit Les Mots que pour signaler tous les moments récurrents où le récit trahit son propos de véracité. Et comment ne pas renvoyer ici au travail que Philippe Lejeune a consacré à La règle du Jeu ? Inversement Stendhal se découvre mieux dans La Chartreuse que dans sa Vie de Henri Brulard.
Dans la pièce où il se met lui-même en scène en tant qu'auteur, Corneille ne se désigne-t-il pas lui-même comme « Le Menteur » ? Ainsi tout mensonge est-il aussi un aveu ? Et vice-versa.
Paul Schwartz
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ÉDITORIAL
Ce numéro d’hiver présente l’ensemble des rubriques telles
qu’elles existent depuis l’instauration de la nouvelle formule en 2011.
Le chapitre PATRIMOINE du numéro 118 est dédié à l’œuvre
d’André Weckmann, récemment disparu. Après une présentation liminaire, nous
cédons la parole aux écrivains amis qui lui rendent hommage.
Notre dossier thématique MASQUES interroge cette notion
dans ses acceptions complexes et multiples. Nos lecteurs y découvriront non
seulement le regard qui s’inscrit dans une perspective européenne mais aussi
celui d’auteurs venant d’autres horizons culturels.
VOIX MULTIPLES, CHRONIQUES et NOTES DE LECTURE viennent
compléter ce numéro qui clôt l’année 2012.
Cinq dessins originaux de Germain Roesz, spécialement créés
pour illustrer le thème du masque / des masques, accompagnent la lecture.
Le Comité de rédaction remercie nos abonnés pour la
fidélité et l’accueil attentif réservés à la Revue Alsacienne de Littérature et espère pouvoir compter sur leur
soutien en 2013. Nous avons le plaisir d’annoncer que l’Assemblée Générale
annuelle, qui se tiendra en septembre prochain, sera l’occasion de fêter le
trentième anniversaire de la revue. Nous vous souhaitons de très belles fêtes
de Noël et vous présentons nos vœux les plus chaleureux pour la Nouvelle Année.
Maryse Staiber
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SOMMAIRE
ÉDITORIAL
Germain Roesz : Masques I
PATRIMOINE : ANDRÉ WECKMANN
Maryse Staiber : Présentation
Jean-Paul Sorg : La situation de l’Alsace dans l’œuvre
d’André Weckmann
Dominique Huck : André
Weckmann ? Wer isch dis, denne kenn i nit
Karlheinz Kluge : Blues in
den Hütten. Nachruf auf André Weckmann
Jean-Christophe Meyer : Lìewer
Monsieur Weckmann
Wendelinus Wurth : redd wiss
neger
Jean-Paul Gunsett : André Weckmann, la Radio et la Télévision
Emma Guntz : Auf der
Sommerterrasse
Markus Manfred Jung : In
memoriam André Weckmann
Frédérique Laurent : Rencontres avec André Weckmann
François Schaffner : Net lock lon
Aline Martin : André Weckmann, homme de la rencontre
Claude Vancour : André, puisqu’il le faut
DOSSIER : MASQUES
Germain Roesz : Masques II
Paul Schwartz : Présentation
Gaston-Paul Effa : Masques
Jean-Paul Sorg : De « la voie des masques » à la
voie des visages ?
Walter Helmut Fritz : Maskenzug / Cortège de masques
(Traduction :
Maryse Staiber)
Germain Roesz : Des masques
Tlaloc Linder : Masque du métis
Karlheinz Kluge : Kleine Maskenkunde
Julien Hertz : Les cartons
Emma Guntz : „Erato“ sagte er
Jean-Paul Gunsett : Haïkus masqués ou non…? / Maskierte
oder entlarvte Haiku…?
Alain Hélissen : À nos masques manqués
Markus Manfred Jung : ufschtig
/ aufstieg. maskeball / maskenball
Muriel Stuckel : Babel démasquée
Eva-Maria Berg : wie kam es zu masken
Yves-Jacques Bouin : Champ du comédien
Laurine Rousselet : les masques projettent leur transparence
dévorante
Germain Roesz : Masques III
VOIX MULTIPLES
Alain Fabre-Catalan : Tombée de ciel
Michel Louyot : Sombre dimanche. Die Linien des Lebens
Marie-Yvonne Munch : Dans le silence
Claudia Scherer : massig.
ausseah
Gerda Mucker-Frimmel : Fenster
Marie-Françoise Seyler : Le sillon et le rouge-gorge
Ronald Euler : calma. Sturm un Dràng
Anne-Marie Soulier : Mantras pour un silence. En écoute de
Purcell
Martine Müller-Lombard : Kampfkunst
Jean-Claude Walter : Si tu parles au silence
Jacques-Henri Caillaud : Mais rien ne s’efface. Mais le reflet
dans la rivière. Pseudo
Kza Han : Yeu-Mali
Sylvie Le Souarnec : mon île happe l’océan
Claude Vancour : Poèmes métaphysiques. Noël, de ce tréfonds
Christiane Meiss : Le
vagabond
Auguste Wackenheim : Dichterengel
Antoine Heissler : L’ange
rimailleur
Christel Schmid : W – wie
Weihnachten
Tony Troxler : La neige
Victor Beyer : Nocturne
Jean-Christophe Meyer : Johreszittewachsel
(Schneefläckel-Litànèi)
Pierre Zehnacker : Mûrir. Feu de broussailles
NOTICES BIO-BIBLIOGRAPHIQUES
Germain Roesz : Masques IV
CHRONIQUES
Helmut Pillau : Hoffnung –
konkret und abstrakt. Jerusalem
bei Claude Vigée und Adrien Finck
Aimée Bleikasten : Arp, le voyant
Germain Roesz : Masques V